Je prie pour des victimes, pas pour des martyrs

Voilà, ça fait 4 jours que le reste du monde a cessé d'exister parce qu'en France, il s'est passé quelque chose d'objectivement horrible.

Des islamistes ont réussi à faire parler d'eux au delà de leurs espérance, et des caricaturistes ont été massacrés d'une manière indigne, profondément choquante.

Tout à coup, les médias ont eu quelque chose à se mettre sous la dent. Les feux de la rampe se sont braqués sur Paris. En oubliant, au passage, que ces massacres sont le lot quotidien des chrétiens d'Irak, de Syrie, d'Egypte et bientôt du Liban. En oubliant qu'à Tel-Aviv, des bombes explosent aussi. En oubliant qu'ailleurs aussi, on vit dans l'horreur. Sans avoir fait aucune caricature de Mahommet, ni de rien d'autre, d'ailleurs. Juste parce qu'on est chrétien, ou israélien, ou que-sais-je...

Sur mon mur Facebook, se succèdent les "Je suis Charlie" et les "Je ne suis pas Charlie"... C'est ça d'avoir des amis à gauche comme à droite. Nos gouvernants devraient essayer, ça leur ouvrirait sans doute les yeux... (c'est moins confortable, mais plus honnête). Alors, du coup, moi, est-ce que je suis Charlie ou pas ? Etre ou ne pas être Charlie... Telle n'est pas la bonne question...

La bonne question, c'est : "Qui est Charlie ?" Charlie, ce sont des caricaturistes, ados attardés assumés, qui se moquent de tout. En se moquant de tout, ils croient s'affranchir de tout... Bon, il faut être honnête. Ca ne me laisse pas indifférent. Je ne peux pas dire que je ne suis pas blessé lorsque je vois des caricatures odieuses, blasphématoires, de la Trinité sur une feuille de choux, quelle qu'elle soit. Ca me touche, ça me blesse, parce que c'est ce qu'il y a de plus sacré pour moi. Je comprends l'exaspération que provoque les caricatures de Mahommet sur des musulmans. Pour le comprendre, il faut être comme moi, il faut avoir la foi. Musulmane, juive, catholique, là n'est pas lle problème. Tout croyant est en mesure de comprendre que ces dessins sont inutilement provocateurs. Ils n'étalent que l'incapacité de leurs auteurs à donner du sens à leur vie. Comme des ados, qui se cherchent, et croient s'émanciper de la coupe parentale en tournant en dérision ce que croient leurs parents. Rien de plus. Mais c'est blessant quand-même. Ca heurte la conscience de ceux qui en ont.

On ne me fera pourtant jamais dire que ces dessinateurs ont mérité leur mort. Personne ne mérite un tel sort, et aujourd'hui encore, je me demande comment une telle boucherie peut arriver en France. C'est indigne de l'humain. C'est grave. Révoltant.

En somme les dessinateurs de Charlie sont les victimes d'une barbarie sanguinaire et fanatisée. Des victimes. Mais pas des martyrs. Pas des martyrs de la liberté d'expression, la sacro-sainte liberté d'expression, qui, selon ce que j'ai entendu à la TV ce soir, "est née chez nous", en France, cocorico ! Non, la liberté d'expression, comme la liberté 'en général", s'arrête, si je lis bien, "là où commence celle du prochain". La liberté d'expression qui manque de respect, à moi ou à d'autres, je n'en ai que faire. La liberté d'expression qui fait le tri (entre ceux qui ont le droit de s'exprimer et ceux qui ne l'ont pas), je n'en ai que faire. Permettez-moi au moins d'utiliser la mienne pour dire cela.

Pendant ce temps, que font nos élus ? Ils paradent côte à côte, se prenant pour Gavroche ou Marianne, à la tête d'un mouvement populaire "sans précédent" (jusqu'au prochain, je vous le dis!), venus redire que la France est le pays de la liberté... Ils vont à la pêche aux voix, profitant d'un éclair de consensus, scandant avec la foule "Je suis Charlie". Pendant ce temps, les communautarismes continuent de déchirer la France (parce qu'avant d'être français, maintenant, on est juif, musulman, catho, gay, algérien ou portuguais... français, on l'est ensuite... on n'est plus vraiment français au fond), les traités européens, atlantiques, ou autres détruisent ce qui reste de nos forces économiques, des conflits géopolitiques menacent en Europe de l'Est et au Moyen Orient... Mais eux, imperturbables, ils paradent comme Mickey à Disneyland, croyant encore peser dans la balance sur l'avenir du monde, tout en prenant les décisions qui leur suppriment peu à peu toute forme de souveraineté... Bravo les gars, continuez, vous finirez par faire plus de mal que le terrorisme.

Bref, je m'étais dit que je ne ferais pas de politique dans cet article, j'en ai pourtant fait un peu... pardon.

Enfin, voilà. J'honore les morts de ces derniers jours, je prie pour eux et pour leurs familles si durement éprouvées. Mais je n'en ferai pas des martyrs. Etre victime du terrorisme n'est pas une chose joyeuse, ni enviable. Je ne le souhaite à personne. C'est injuste et révoltant. Mais désolé, je ne ferai pas des caricaturistes de CH des icônes de la liberté d'expression. La liberté d'expression ce n'est pas le droit de tout dire. C'est celui d'exprimer ses idées sans blesser la conscience morale des gens.

Je prie aussi pour les fondamentalistes musulmans, qui connaissent si mal Dieu, qu'ils détruisent son oeuvre en pensant lui obéir. Eux aussi ont plus que jamais besoin de nos prières.